Génocide de 1990 : Plaidoyer pour l'abrogation de la loi d’amnistie de 1993

INFOS AVOMM

Il y'a trente ans déjà que des militaires négro-mauritaniens ont été sauvagement et froidement assassinés par leurs frères d’armes.

Cette abomination a atteint son comble, le 27 Novembre 1990, la veille de la commémoration de l’accession de notre pays à la souveraineté internationale, 27 d’entre eux furent pendus tout bonnement comme des bêtes de somme par le régime raciste de l’époque au commandement Ould Taya. Dans plus d'une dizaine de casernes militaires sur le territoire national, l'horreur qui a frappé a emporté près de cinq cent-soixante-douze (572) victimes.

Comme je l’avais déjà souligné dans mon article "halte à la discrimination: acte II" paru le 14 décembre 2015 (libre expression) je cite : "Les massacres perpétrés durant les années 1990 constituent, à tous les égards, un génocide pur et simple résultant d’une volonté clairement exprimée par le régime raciste de l’époque de vider la Mauritanie de sa composante noire".

Et, pour éviter tout amalgame et par soucis de clarté et d’objectivité, une clarification du terme « génocide » s’impose afin de lever le voile sur la réalité qu’il désigne. « Le génocide n'est autre qu'un crime ou une extermination systématique d'un groupe humain de même race, de même langue, de nationalité ou de religion par racisme ou par folie » selon la définition donnée par le Larousse français.

Par conséquent, la volonté ne serait-ce que prétendue de recherche d’une solution clairement exprimée partout dans le monde où il y a eu génocide devrait à moindre égard inspiré l'Etat Mauritanien jusque-là dans l'insouciance injustifiée. Cette injustice que rien ne justifiait constitue une bombe à retardement et son règlement, le seul impératif pour un vivre-ensemble dans la fraternité et la concorde.

Aujourd'hui, plus que jamais, les mauritaniens et les proches des victimes ont droit à la manifestation de la vérité concernant ces massacres qui ont entaché l’histoire récente de notre nation. En effet, pendant qu'une partie des Mauritaniens commémorent l'anniversaire de l'accession de notre pays à la souveraineté, d'autres se remémorent la perte d'un être cher et revêtent leur habit de deuil, un "linceul" de veuvage ou d'orphelinat éternel. Face à cette situation, il est clair que nous, citoyens, ne fixons plus les mêmes horizons et ne gardons plus les mêmes repères patriotiques.

Il est clair aujourd’hui, qu'avec la prise de conscience à travers l'émergence de cadres pour une unité d'action et de défense des victimes qu'il s’agisse des veuves, des orphelins, les rescapés militaires et civils, d'une part, et les proportions que prennent les voix qui s'élèvent, de plus en plus, pour réclamer justice, ne laisseront plus la place à l'indifférence de l'Etat qui se range derrière la loi controversée de 1993 pour ne pas corriger cette horreur.

Or cette loi reste nulle et demeure sans effet tant en droit moderne qu'en droit musulman. En effet du point de vue du droit moderne ces crimes de 1990 ne peuvent être prescriptibles ou amnistiés puisque relèvent tout simplement d'actes extrajudiciaires. Sur le plan de la charia qui est fondée sur le principe de protection et de sauvegarde du droit des victimes l'amnistie n'est pas admissible. Ainsi, la convergence de ces deux points de vue juridiques fragilise la loi de 1993 et l'expose sans équivoque à la controverse juridique susceptible de justifier son annulation.

Faudra t-il aussi rappeler en tout état de cause, que la prise de conscience est telle que chaque veuve ou orphelin peut décrire, au plus petit détail, la cruauté avec laquelle son époux ou son père a été assassiné.

D'ailleurs c'est ce silence inacceptable de l'Etat face à cette horrible affaire, doublé de surcroit de sa volonté de vouloir toujours se maintenir dans le racisme quotidien qui est à l'origine des réclamations et appels à la partition du pays ou à l'autonomie du sud. De notre point de vue, il est temps que l'Etat assume ses responsabilités. L' on n'est pas tenu forcément d'entrevoir une solution par voie judiciaire mais plutôt une approche de compromission à l’amiable souvent mis en œuvre, comme c'est fut le cas en Afrique du Sud à la fin des années 1990 ou au Rwanda en 1998.

Au delà de cette prétendue commission d'enquête parlementaire par laquelle on cherche à nous faire avaler une hypothétique rupture, l'assemblée nationale devrait plutôt engager une procédure d'abrogation de la loi scélérate d’amnistie et procéder, en remontant toute la chaine de décision à une enquête dans le souci de rendre justice aux ayants droits du GÉNOCIDE.

Cet acte est non seulement une exigence pour un devoir de justice mais demeure aussi une condition nécessaire à la réconciliation nationale, seul gage pour rebâtir un Etat unitaire et fédérateur où tous jouissent pleinement de leurs droits.

Amadou Tidjane DIOP, Président FRUD et Vice président CVE

Source : Amadou Tidjane Diop


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